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[CHRONIQUE] COMPTON : A SOUNDTRACK BY DR DRE

On n’y croyait plus. Vendredi dernier André Romelle Young presque sans prévenir a sorti le troisième album solo de sa longue carrière. Seize ans après 2001, Dre dévoile Compton l’album inspiré du film Straight Outta Compton.

Detox était devenu un mirage. Pire : une blague. Lorsque j’écrivais pour les défuntes Hip-Hop Niouz  diffusées sur OFIVE TV la sortie de cet album était devenue notre running gag.  Il y a cinq ans, Dre présentait  Kush  avec Akon au refrain, DJ Khalil à la prod et son fidèle Snoop Dogg. Ensuite ?  L’affreux I Need A Doctor produit par Alex Da Kid avec Skylar Grey. Ce faux départ ne ressemblait pas au travail du méticuleux chirurgien du rap….Fast forward en 2014. Tyrese en studio avec Dre et F. Gary Gray  déclare un peu trop vite que suite à son deal avec Apple le Doc est le premier milliardaire du Hip-Hop. L’acteur s’est trompé de quelques millions : selon le magazine Forbes sa fortune ne s’élève « qu’à » 700 millions de dollars. Mais sans nouvelles de Detox,  la mort de l’âme nous étions résigné : Dre n’allait plus sortir de musique.

THEY FORGOT ABOUT DRE ?

Nous avions tort. Déjà, durant sa « retraite » de seize ans Dre n’a pas chômé. Il a entre autres transformé un petit rappeur de Jamaïca, Queens en une superstar. Deux ans plus tard il catapulte un MC de  Compton au sommet de Los Angeles.  Enfin, depuis 2012,  Dre a cornaqué deux grands projets :  good Kid, m.A.A.d city et To Pimp A Butterfly  de Kendrick Lamar. Joli palmarès non ? On ne parle même pas du travail avec Mary J. Blige, du sous-estimé Big Bang de Busta Rhymes ou le mix de l’album Kingdom Come  de Jay-Z.  

La vérité est que Dre comme les vrais champions est resté concentré sur son objectif  : établir une mise en place optimale pour présenter sa musique. Aujourd’hui le marketing déployé sur Compton  est à la hauteur de son statut.  Rendez vous compte, Dre supervise la bande originale d’un film sur sa carrière qu’il produit. De plus, cet album est diffusé en exclusivité sur Apple Music la plateforme avec laquelle il a signé un deal juteux. En ces temps où le rap se prépare et se consomme comme du fast-food  Dre va fièrement à contre-courant. Pas de « meme » sur Instagram, de liens soundclouds, de clips sur Worldstar ou de trending topics sur Twitter pour lui. Derrière le fourneau André le Chef choisit patiemment ses ingrédients et ses condiments. Il fait mijoter ses plats le temps qu’il estime nécessaire et veut servir le meilleur repas possible au moment qu’il a déterminé. C’était la semaine passée vendredi 7 août :  Compton son troisième projet solo disponible uniquement sur Apple Music. 

STILL DRE !

Andre Young est un passionné de musique. Tous ceux qui le côtoient le répètent à longueur d’interviews : le Doc passe sa vie en studio. Comment allait-il positionner sa musique dans la scène actuelle ? Que faire face au caractère instantané et rapidement addictif de la musique d’ artistes populaires comme Future ou Migos par exemple ? De l’autre côté, pour certains (comme Kanye West, Travis Scott et leurs petits clones) il y a une obligation d’ « explorer » , de déconstruire au maximum pour être perçu comme « révolutionnaire ». Enfin, faut-il négliger les fans de G-Funk de la première heure ? Heureusement  Dre avec Compton est resté sur ses fondamentaux.

D’abord, l’album est brillamment construit. Compton comme The Chronic et 2001 s’écoute comme un film que l’on regarderait avec les oreilles. Par exemple sur le titre Darkside/Gone après une minute Dre pour faire une transition intègre la voix d’Eazy-E. La fin de Loose Cannons ou Deep Water ?  Ce sont de vraies scénettes ! Ensuite Dre, le « metteur en son » dispose de plus de vingt personnages différents sur ce projet. Il a amené quelques « vieux »  (Cold 187Um d’Above The Law, Ice Cube, Snoop Dogg, Xzibit, Jill Scott, Eminem,…) et beaucoup de jeunes talents. On découvre King Mez amené chez Dre par Big Pooh ex-membre de Little Brother, Justus co-opté par D.O.C,  Jon Connor drafté sur Aftermath depuis deux ans, Candice Pillay qui a notamment écrit Cockiness la tuerie de Bangladesh pour Rihrih, le sous-estimé BJ The Chicago Kid et bien sûr Kendrick le Fresh Prince Of Compton. Tout les « acteurs » se sont surpassés. Kendrick est brillant mais attention de ne pas tomber dans les travers d’un Eminem :  noyer son propos dans trop de technique. Snoop Dogg sur One Shot One Kill est méconnaissable tant il est bon. Il redevient le mordant « Snoop Eastwood » de Deep Cover !  X To The Z et Ice Cube s’offrent une deuxième jeunesse et Game livre presque le meilleur couplet de sa carrière sur Just Another Day. Dre dans sa dernière interview avec l’animateur Big Boy rappelait qu’il aimait les artistes avec des voix originales. On comprend mieux la présence d’Anderson .Paak sur presque la moité de Compton. Sa voix doucement rauque est une version « améliorée » du chanteur de soul Bilal avec qui  Dre a notamment collaboré sur Fast Lane. Ce jeune homme éclabousse de son talent les six titres ( surtout All In Days Of Work co-produit par DJ Khalil et Animals de Primo) où il pose.  Et Dre dans tout ça ?

BEEN THERE DONE THAT.

Dre n’a jamais écrit ses lyrics. En revanche il a toujours interprété les textes des meilleures plumes avec conviction et talent. Son nouveau souffleur est le jeune King Mez. Le MC de 27 ans  (qui dans Talk About It se présente comme le « Black Eminem« ) arrive derrière des pointures comme Ice Cube, D.O.C, MC Ren, Snoop Dogg, Eminem ou Shawn Carter.  Dés les premières minutes on constate qu’il s’en sort très bien. Avec les mots de King Mez, Dre revient sur son parcours comme dans It’s All On Me (qui détaille toute sa carrière)  ou All In A Day’s Work. L’ancien frime aussi. « Il y a encore des chèques d’Eminem que n’ai pas encore encaissé » , « j’étais millionnaire avant les casques et les enceintes »  rappe-t-il dans Talk About It.  Il rappelle également dans Gone que « décennie après décennie il est toujours présent ».  Il confie son amour pour la musique et dans le dernier titre Talking To My Diary se livre un peu plus sur son parcours, l’époque de N.W.A et ses longues trente années dans l’industrie de la musique.  Petite surprise, le Californien dans le magnifique Animals se remet dans la peau de l’ado de Compton qu’il a été pour aborder le sujet très actuel du harcèlement policier. Le Doc alterne les cadences, change ses placements, travaille sur sa voix et parvient encore à nous surprendre sur quelques titres. Une belle leçon de rap. Derrière la console, son domaine de prédilection, Dre est impérial. Plus chef d’orchestre à la Quincy Jones que simple beatmaker on est surtout marqué par son perfectionnisme. La qualité du mix est impeccable : on distingue chaque instrument et chaque élément. Les prods ? Focus et DJ Khalil ( les deux rescapés de son pool de producteurs) sont au sommet de leur art. Les jeunots Dem Jointz (avec notamment Genocide) , Cardiak (sur For The Love Of Money qui a le même squelette que  FuckWitMeUKnowIGotIt de Jay et Rozay) ou DJ Dahi installent le O.G dans l’air du temps. Satisfiction amène une petite pointe de G-Funk et  pour les « Hip-Hop Nerds » Dre laisse DJ Premier terminer Animals avec ses fameuses phrases scratchées. Que demander de plus ? Ce monsieur de 50 ans, multimillionnaire, qui a collaboré avec des légendes (Eazy-E et 2 Pac) , des immenses talents (Ice Cube, D.O.C, Hittman, Nate Dogg, Xzibit, DJ Quik…)  et façonné des stars mondiales comme Snoop Dogg, Eminem et 50 Cent est au sommet de son art. Dr Dre après trente ans de carrière continue de respecter ses fans en proposant la meilleure musique possible. Lorsque l’argent est mis au service du talent, du professionnalisme, de l’ambition et de l’exigence artistique on arrive à ce résultat. Compton est-il le classique qu’on attendait avec Detox ? Difficile de comparer vu que Dre, il l’a récemment déclaré dans son émission sur Apple Music, ne le sortira plus.  Une chose est sûre :  Compton de monsieur Andre Romelle Young fait une nouvelle fois gagner des galons au rap et à la culture hip-hop. 

7 réponses sur « [CHRONIQUE] COMPTON : A SOUNDTRACK BY DR DRE »

La meilleure chronique de l album pour le moment a mes yeux,enfin quelqu un qui connait son sujet parce que j ai lu des trucs…superbe album,grosse prise de risque sur certains instrumentaux,a part talk about it et medicine man que j aime moins,tout le reste est brillant,l album s ecoute comme on regarde un film,c est immersif et parfaitement produit,dre reste largement au dessus du lot.
Les critiques que j ai pu lire sont les memes que quand 2001 est sorti,tout le monde attendait du g funk a la the chronic,ici pareil la plupart attendait le meme son que 2001,et heureusement il a encore reussi a innover,album rap de l annee pour moi avec le kendrick.

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Je rejoins Dilla, l’analyse est très pertinente ! Pour ma part, j’en suis à une première écoute. Rien d' »explosif » pour l’instant mais je pense qu’il faut laisser l’album mûrir… comme le vin 🙂

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