Je n’avais pas envie d’écrire. Le récit du lynchage vécu par ce jeune homme m’avait plutôt donné envie de vomir. UPDATE 2024
Soyons clairs, je ne veux pas « La justice Pour Théo ». Je demande la prison pour ses quatre agresseurs. Sortons du schéma éculé de la relation tendue entre « le petit jeune de banlieue au mauvais moment au mauvais endroit » face aux forces de l’ordre « débordés, mal formés et sous pression ». Je ne vois qu’un citoyen Français (et ouais), Noir, insulté, humilié puis agressé sexuellement par le policier (qui avec la complicité de ses collègues . Dans l’article du Parisien, qui relate ce lynchage, le génie, déclare : « je décidais de porter à l’individu des coups de matraque télescopique en visant ses membres inférieurs dans l’espoir de lui faire perdre l’équilibre et de l’amener au sol». C’est donc en « visant les membres inférieurs » que ce génie a « par erreur » pénétré sur une dizaine de centimètres dans les chairs du jeune homme. En gros, un policier a violé un citoyen dans la rue. Mais par erreur. On croit rêver…. Quelques personnes vont rapidement prendre la mesure de la gravité de cet acte barbare. Bruno Beschizza maire pourtant très à droite d’Aulnay-sous-Bois a directement et sévèrement condamné ces faits. Cet ancien policier a du flair. Il a compris que sa ville allait partir en fumée s’il ne prenait pas fermement position pour la victime. François Hollande, président défait mais qui demeure un fin tacticien, va se dépêcher au chevet du jeune homme. Un policier qui viole un citoyen lors d’un contrôle d’identité ? Cela peut embraser les quartiers populaires et (encore plus) ternir le bilan de son triste quinquennat. Il fallait donc se positionner. Hollande s’en tire avec un tweet (« Théo a réagi avec dignité et responsabilité. La justice a été saisie, il faut lui faire confiance. Elle ira jusqu’au bout. ») une belle photo et surtout (en échange ?) un appel à l’apaisement délivré par la victime.

En revanche, le « système » reste sur ses positions. Les syndicats de police montent au créneau. Selon eux « on ne respecte pas la présomption d’innocence » de son client. Son avocat, au micro de France-Info le 9 février, déclarait que le génie était « bouleversé ». Pervers mais sensible le saligaud. Le pire viendra du parquet qui a d’abord ouvert une enquête pour viol en réunion. Puis, moins de 48 heures après, a re qualifié les faits en « violences volontaires aggravées ». Or l’article 222.23 du Code pénal indique que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise, est un viol. » Pour une fois que le droit est clair….Le coup final est arrivé ce jeudi 9 février. Les premières conclusions de l’IGPN, l’Inspection générale de la police nationale sont tombées et comme d’habitude n’ont pas déçues. Selon la chaîne LCI, l’IGPN a privilégié dans ses premières observations la thèse de l’accident, de « l’opération qui tourne mal », faisant valoir que le jeune homme de 22 ans « a fait preuve de résistance face aux agents qui tentaient de le menotter ». Evidemment.
On arrive au coeur du problème. Ces fameux hommes Noirs ou maghrébins qui ont toujours la mauvaise habitude de « faire preuve de résistance » lors d’anodins contrôles d’identité. Par exemple, cela fait huit mois que l’on ne sait toujours pas comment ni pourquoi Adama Traoré est mort. Amadou Koumé dont la mort avait été caché un mois (!) à ses proches a perdu la vie en mars 2015 dans un commissariat du 10 ème arrondissement dans des circonstances peu claires. J’en parlais déjà ICI. La même année, au mois d’avril le guadeloupéen Pierre Cayet, 54 ans est mort agressé dans un commissariat de Seine-Saint-Denis. Sa famille n’a toujours pas d’explications valables….
Dans cette tragédie, la première chance de Théo est d’être encore parmi nous pour pouvoir raconter son calvaire. Sa deuxième « chance » est qu’il n’a pas eu « que » des coups au visage. L’IGPN, ce serait fait un plaisir de classer ce dossier sans suite. Dans le cas de Théo, la mauvaise foi de l’IGPN et du parquet, ne pourront jamais justifier l’ « introduction accidentelle » d’une matraque dans l’anus d’un citoyen. Même aux Etats-Unis, pourtant à la pointe en violences policières, la justice a dû condamner le policier violeur. Ainsi, en 1997, l’immigrant haïtien Abner Louima, torturé et sodomisé par l’agent Justin Volpe dans un commissariat new-yorkais a reçu 9 millions de dollars de la part de la ville et des excuses du maire Giuliani. Justin Volpe a été condamné à trente ans de prison.
Pour finir, je pense que toute la classe politique, la société civile et les policiers « normaux » devraient condamner cet acte. Radoter sur Trump, le « muslim ban », le Brexit et la montée du FN à longueurs d’editos c’est bien gentil mais aujourd’hui il faut être clair. Je ne veux pas « La justice Pour Théo ». Je demande la prison pour le violeur et ses complices.
UPDATE 22/01/2024
Sept ans après les faits justice a enfin été rendue. Les « policiers » (par respect pour les vrais force de l’ordre je suis obligé de mettre des guillemets ») sont condamnés à 3 mois de prison avec sursis, une interdiction d’exercer ce métier pendant deux ans et de porter une arme. La cour d’assises a estimé dans sa décision, consultée par l’AFP, que Théo Luhaka ne souffrait pas d’« infirmité permanente » car ses « lésions organiques » n’entraînaient pas pour lui la « privation irrémédiable » de l’usage de son organe. Elle a donc condamné l’auteur du coup de matraque, Marc-Antoine Castelain, du chef moindre de violences ayant entraîné une ITT de 60 jours, soit un délit et non un crime. Hallucinant….
Ils ont 10 jours pour faire appel. Vu la clémence du verdict cela m’étonnerait qu’il le fasse mais bon… « C’est une décision que nous prenons comme une victoire parce qu’elle vient dire que Théo était une victime ce jour-là. Que rien ne justifiait qu’il ait été battu. » – a conclu Maitre Antoine Vey, l’avocat de Theo
La reconstruction de ce jeune homme, aujourd’hui presque trentenaire, est très difficile. Théo Luhaka affirme toujours souffrir d’incontinence, qui est une perte du contrôle de la vessie. « Mon quotidien me rappelle constamment que je suis handicapé à vie. Je ne serai plus jamais comme avant, mon sourire ne sera plus jamais entier. Je me considère comme mort », a-t-il soufflé, face aux caméras de BFMTV.
Comme je l’écrivais il y a sept ans, Théo Luhaka dans son malheur a eu de la chance. Nahel, Adama Traoré, récemment Kyllian tué ce 5 janvier après un contrôle policier et malheureusement beaucoup d’autres n’ont pas eu cette « chance ».

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