
Il y a presque trois ans mon amie Rosemonde Pierre-Louis a publié son premier roman autobiographique : Je Ne Suis Pas Ta Mère. Hier, c’était son anniversaire (elle a entre 40 et 47 ans, je ne sais plus trop) alors je lui offre cette petite chronique. Je reconnais que c’est un maigre cadeau pour elle et pour vous j’espère que ce sera utile.
Rosemonde Pierre Louis est ma meilleure amie. Je sais que cela peut paraître niais mais je ne peux pas décrire autrement notre relation. Oh et oui, elle est vraiment juste mon amie. J’en profite d’ailleurs pour faire une chaleureuse dédicace à son mari, qui parvient à la supporter au quotidien. Parce qu’elle est mon amie et que je la connais bien, je sais que Rosemonde peut être infernale ! Bref, restons concentrés, ce post est censé être un cadeau.
Nous nous sommes rencontrés la première fois il y a 20 ans dans un call center à Boulogne-Billancourt. Je venais d’arriver à Paris et elle terminait ses études à la Sorbonne. Elle est d’origine haïtienne et m’explique que son prénom est une traduction de l’allemand « Rosamund ». Je souris. Je lui donne le mien et elle embraye avec des blagues sur les congolais. Eclat de rire. Nous voilà, deux « Rastignac » (ambitieux mais pas arrivistes) partageant les mêmes rêves de gloire et un humour potache. Après la pause nous avons parlé puis passé le reste de la journée à rire comme des bossus. Cela fait 20 ans que ça dure. Par pudeur pendant longtemps nos conversations sont restées très superficielles. On se gaussait de nos dates respectifs, maudissions nos galères d’argent et nos relations professionnelles. On n’évoquait jamais la « vraie » vie. Nous préférions, nous cacher derrière nos blagues débiles. Au mieux on se répétait comme pour se rassurer qu’on était des « soss » ou pour reprendre la formule du groupe Lunatic dans le classique Les Vrais Savent : « mon double et moi le sien. » C’était suffisant.
Il y a trois, quatre ans, Rose fait exploser notre petite bulle : elle m’annonce que sa mère est morte. Wow. Pour la première fois on change de registre. Tout sort naturellement. Sa mère (que j’avais déjà rencontré) était en réalité sa tante. Sa vraie mère, elle, avait était internée. Et elle venait de mourir. Je ris, mais là c’est par gène : je ne sais pas quoi dire. Rosemonde me demande de l’accompagner à l’enterrement. Je ne sais pas ce que j’avais de mieux à faire plutôt que d’épauler mon amie et j’ai refusé. Mon Dieu quel naze ! Évidemment elle m’en a voulu et me l’a confié longtemps après. Je l’avais bien mérité. Elle me dit aussi à l’époque qu’elle prépare un livre sur sa vie. Ah. » Tu n’es pas un peu jeune pour une autobiographie ? » Bien lancé sur ma trajectoire de naze pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Rosemonde a donc écrit dans son coin et nous avons repris nos petites vies. Son premier livre allait être auto publié et évidemment Rose (qui dirige avec brio une agence de communication) allait gérer les relations presse pour la sortie de son bouquin. Rien d’anormal.
Quelques jours avant la sortie du livre, Rosemonde m’a donné « les bonnes feuilles » comme cela se fait dans le monde l’édition. D’emblée je ne suis pas surpris. Ce livre est à son image : drôle, charmant, virevoltant, passant du rire aux larmes d’une page à l’autre. C’est déstabilisant mais je m’accroche. Rose raconte ses premiers jours dans la misère d’ Haiti puis continue dans celle de Paris du 18 ème. Sans misérabilisme, elle retrace son enfance et surtout…raconte les viols dont elle a été victime. A l’âge de 5 ans, 6 ans et 12 ans. Elle décrit surtout le sentiment qu’elle a ressenti à l’époque. Là, je vacille. Je suis bouleversé. Pourquoi ne m’a t-elle jamais rien dit ? En même temps comment raconter ce genre de drame ? Mon avis compte peu. Rosemonde a d’abord écrit ce livre pour elle et ses deux filles. Ce livre est également un point de départ pour faire changer la loi. Accrochez vous, ce n’est pas simple. En France, un mineur peut porter plainte pour agression sexuelle jusqu’à dix ans après sa majorité, s’il avait 15 ans ou plus au moment des faits ou vingt ans après sa majorité s’il avait moins de 15 ans. Pour un viol sur mineur, le délai de prescription est de trente ans, mais peut être prolongé si le même auteur viole par la suite un autre mineur. Traduction : il faut une imprescribilité totale. Ce n’est pas gagné mais c’est le combat de Rosemonde et je suis fier d’être son allié.
Aujourd’hui, Rose et moi continuons de rire comme au premier jour. Vraiment. En revanche, de temps en temps nous parlons comme des adultes. C’est agréable aussi. Son combat m’a ouvert les yeux sur beaucoup de choses. Je le savais mais là j’ai compris : il faut absolument écouter les femmes. Nos connaissances, amies, sœurs, cousines, compagnes… Elles méritent une oreille attentive parce que la société actuelle n’est pas encore complètement égalitaire. Des sujets lourds comme les agressions sexuelles, la pédophilie mettent mal à l’aise et nous font horreur mais on doit en parler. Achetez Je Ne Suis Pas Ta Mère ici et joignez-vous à moi pour souhaiter un excellent anniversaire à ma meilleure amie, mon double et moi le sien, Rosamund !

Laisser un commentaire