« Crack house », « héroïne house » ou « truc-bizarre-qui-tue-la-santé » house…Dans tout les cas on ne consommait pas du lait à la fraise dans cette baraque. En 2010, lors d’un reportage à New Orleans, Kidd Kidd nous avait emmené mon camarade Vincent Berthe et moi au cœur de son quartier.
Ce jour là, le programme avec Kidd Kidd est simple : interview et session photo dans le hood. Après trois sonneries sur son portable Kidd Kidd sort enfin d’une petite maison en bois. Sa démarche n’est pas trop assurée et ses yeux sont mis clos. Non, il n’est pas aveugle. Oui, il est défoncé. Sympathique, il nous fait spontanément l’accolade et grimpe sans discuter à l’arrière de la voiture. Vamos ! Entre deux “U nah a mean” et “You know what I’m saying » Kidd Kidd nous mâchouille son parcours. A l’époque il est signé sur le label de Sha Money XL, l’ancien manager de 50 Cent et du G-Unit. Je venais de découvrir Kidd Kidd avec le titre Platinum. J’aimais le mélange de son flow traînassant du South lié aux samples de soul.
Pourtant Kidd Kidd n’est pas un premier venu. Ainsi mon camarade Alexis Slama, alors journaliste pour le magazine RAP US, me parlait déjà de lui lorsqu’il rappait sous le nom de Nutt Da Kidd dans le Squad Up un crew monté par Lil Wayne avant Young Money. Kidd Kidd se retrouvera même sur The Carter III dans le titre “Ms Officer” avec Bobby Valentino. Sauf qu’il ne sera pas invité dans le clip….Là nous allons dans le 9th Ward à Downtown. Les deux mastodontes de la ville (Cash Money et No Limit) viennent de Uptown. Kidd Kidd est ainsi le premier rappeur originaire de Downtown à vraiment sortir de l’anonymat. Sur le chemin Kidd Kidd nous désigne des ruines. “Ils ont détruits le Desire Project, le ‘Dirty D’. Il s’y passait beaucoup de ‘mauvaises activités’” souffle-t-il. Ce grand ensemble et le Florida Project, je l’ai appris plus tard, sont les deux projects les plus dangereux de la ville. En chemin nous ne traversons qu’une succession de cabanes lépreuses. Même si à l’époque nous sommes cinq ans après le passage de Katrina, on se doute que tout n’est pas lié à l’ouragan. Plus on avance, plus Vincent au volant me lance des regards inquiets auxquels je ne peux répondre qu’avec des sourires figés. Nous sommes pourtant en pleine journée mais j’ai franchement la trouille.
Nous arrivons enfin à destination. La rue est déserte. Kidd Kidd sort de la voiture, traverse et monte un porche d’une maison délabré puis revient vers nous. Quelques secondes plus tard des gars dévalent les escaliers comme des cafards. Ils doivent être jeunes mais leurs visages sont marqués. La plupart ont les mains tuméfiées et tous ont les yeux explosés et le regard hagard. Probablement une allergie…Pendant que Kidd Kidd nous présente un homme apparaît silencieux. Personne ne lui parle. Une poignée de main discrète avec un des gars puis il disparaît. Un toxico. Le plus agité de l’équipe est aussi visiblement le plus « atteint ». Casquette Yankees impeccable vissé sur la tête, une bière à la main, il tient à peine debout. Accroupi durant la session photo, il manque de s’effondrer lorsque Vincent lui demande de se relever. “Ne t’inquiète pas”, nous répète-t-il plusieurs fois, “comme tu es avec nous tu es ‘good’. Rien ne va t’arriver.” Ce tableau du vrai cauchemar américain (“Young, black and just don’t give a fuck” comme disait Sticky Fingaz.) nous horrifie. Kidd Kidd on le voit même s’il est fier de son quartier reste lucide. “Je n’attends qu’une seule chose : avoir une bonne situation et emmener mes gars en tournée pour les faire partir d’ici.” J’ai rencontré beaucoup de rappeurs américains qui m’ont raconté en interview le laïus habituel du« si-je-n’étais-pas-dans-le-rap-je-serai-mort-où-en-prison ». Avec Kidd Kidd c’est la première fois que j’en suis convaincu. Cela n’a pas manqué : un an après notre rencontre, Kidd Kidd était victime d’une fusillade (touché six fois) devant la maison de sa mère à New Orleans. Aujourd’hui Kidd Kidd a 32 ans et est signé sur G-Unit. Ce n’est peut-être pas la position de rêve, mais vu d’où Kidd Kidd vient c’est déjà un miracle.
Une réponse sur « LE Jour Où Kidd Kidd m’a emmené dans une crack house »
[…] J’ai connu Fendi P, il y a dix ans lors d’un reportage à la Nouvelle-Orléans. A l’époque il rappait sous sous le pseudo de Cornerboy P. Son […]
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