LE BLACK ET LA PLUME

La Culture Since Forêveur.

50 ans de HIP-HOP et…moi.

Aujourd’hui vous allez trouver des articles sur la « naissance’ du Hip-Hop, sur le Bronx des années 70, les acteurs des débuts, l’impact économique de cette culture etc… J’ai choisi de vous raconter comment j’ai découvert cette culture.

Au début, je voulais écrire une lettre au Hip-Hop. Cela a déjà été fait avec brio par le grand Common sur le classique I Used To Love H.E.R puis en 2002 avec Love Of My Life de Erykah Badu et enfin en février dernier avec l’acapella puissant du monstre des Roots, Black Thought. Je vais donc m’abstenir. Puis je me suis interrogé sur la date de cet « anniversaire ». Qui a décidé que la date de naissance était le 11 août 1973 ? Il y a-t-il un anniversaire officiel pour le reggae ? Le rock ? Le tango ? DJ Kool Herc, le père fondateur du Hip-Hop lorsqu’il a commencé à mixer avait-il noté la date dans son agenda ? Et bien justement oui, d’une certaine manière.

11 août 1973. Le Bronx à New York. Cindy Campbell une jeune fille d’origine jamaïcaine décide d’organiser une fête de rentrée dans la « salle de loisirs » (le rec room ») de son projects à 1520 Sedgwick Avenue. Sa « boum » a pour but de récolter des fonds pour s’acheter de nouveaux vêtements et des fournitures pour l’année scolaire à venir. Le droit d’entrée est de 50 cents pour les garçons et de 25 cents pour les filles. Ses parents vont fournir la nourriture, les boissons et… la musique, sera assurée par son frère de 18 ans : Clive Campbell alias…. DJ Kool Herc, comme on l’appelait dans le quartier. C’est donc lors de cette boum que Kool Herc a enchaîné des breaks de funk, pour les danseurs : les breakers boys, les « b-boys ». J’ai eu le privilège de rencontrer Kool Herc en 2007 à Lille. Il était sympathique et surtout d’une grande humilité.

PREMIERE RENCONTRE TIMIDE

Je vais simplement vous raconter la première fois que j’ai rencontré le Hip-Hop. A l’époque je ne savais pas que c’était une culture née dans le Bronx à New York. Comment aurais-je pu le savoir ? Montez dans la Delorean, direction 1984. J’ai 8 ans, je vis avec ma mère et ma soeur en Belgique à Bruxelles. A la maison nous écoutons de la musique zaïroise (la voix aigüe de Mbilia Bel, les rumbas de Koffi...) les disques de mon père (entre autres Barry White, Leonard Cohen ou Simon & Garfunkel ) de la variété française (France Gall, Balavoine, Goldman…) la pop anglaise (Simply Red, Spandau Ballet, Talk Talk, Jimmy Sommerville…) et le King Of Pop Michael Jackson. Un jour, je tombe sur l’émission Hip-Hop sur TF1. Oui, en Belgique on avait déjà accès aux chaînes étrangères. Je découvre le présentateur Sidney mais surtout des gars en survêtement exécuter des pas de danse fous. Incroyable. Evidemment je veux les imiter. A l’époque mon son c’est Street Dance du groupe Break Machine ! J’ai récemment appris que cette chanson avait été composée et produite par des français : Jacques Morali producteur notamment des Village People. Lorsque l’émission s’arrête, mon intérêt d’enfant passe à autre chose… Quelques années plus tard une tante (qui a le même âge que ma grande soeur) vient vivre à la maison. Elle est fan de R&B (Guy, Al B. Sure, Keith Sweat…) et surtout de Bobby Brown Je trouve ça cool (j’adorais My Perogative) mais sans plus… A cette époque le rap prend de plus en plus de place dans mes oreilles. Sauf qu’à l’époque j’ingurgite tout sans prendre le temps de mâcher et de digérer. Cela va de 3 Feet High and Rising de De La Soul (premier CD acheté !) à MC Hammer, Vanilla Ice, Benny B, BRC (un groupe belge pionnier !)en passant par The Power de Snap… Seule l’énergie dégagée par les instrus me parle. Au niveau Hip-Hop, la danse à Bruxelles à la fin des années 80, début 90 était ce qui me touchait le plus. Il y avait de nombreux groupes de danse (les OBR, les Black Pearls…) et une vraie émulation. Pour les petits comme moi ils étaient des super héros inatteignables. Les patrons de la ville étaient le groupe le Magical Band. (Regardez leurs exploits ici !) On parlait de leurs nouvelles « chorés », on essayait de les refaire et on rêvait de les voir en club à Liège ou dans the place to be Le Shape, le club installé dans la base militaire de l’Otan près de Mons, une ville à 1h dans le sud Bruxelles. C’est là où pour moi le rêve s’arrêtait…

DEUXIEME CONTACT PLUS CONCLUANT

L’arrivée de Yo MTV Raps sur les écrans en Belgique va tout changer. J’ai du rap américain tous les mercredis après-midi (présenté par Ed Lover et Dre) et le samedi vers midi avec Fab 5 Freddy. Là, ce n’est plus une gifle c’est un crochet de Tyson ! Les looks (les casquettes Raiders, vestes Starters, les bijoux énormes…) les sons, l’attitude…Je suis littéralement happé. Je découvre pèle-mèle : Fu-Schnickens, Kris Kross, NWA, Onyx, Heavy D, les Geto Boys, 2 Pac (avec le premier clip If My Homie Calls réalisé par le regretté John Singleton !) Digital Underground, Naughty By Nature, X Clan, EPMD, Das Efx. Mais aussi MC Solaar et Guru. D’ailleurs c’est dans Yo MTV Raps que je vais identifier Thibaut De Longeville avec son crâne rasé de prêt, ses lunettes de soleil et son anglais impeccable. Je ne comprends pas un mot de ce que ces gars (et quelques filles comme Queen Latifah, MC Lyte et Monie Love) racontent mais je suis « dedans ». Mes premières vacances à Londres, grâce à mon cousin vont encore plus accélérer mon « addiction » à cette culture. D’abord, je découvre Choice FM une radio au format 100% Hip-Hop. Je n’en crois pas mes oreilles : je passe mes journées à enregistrer des heures d’émissions. Ensuite, mon cousin me met entre les mains le magazine The Source. C’est en partie pour cela que j’ai voulu devenir journaliste, mais c’est une autre histoire…Enfin, c’est aussi là-bas que je découvre les mixtapes, les clubs (et la Jungle !) et le pouvoir du DJ. J’étais déjà fasciné par Terminator X le DJ de Public Enemy. Les grandes lunettes, le high top fade, l’impassibilité : c’était trop ! C’est un ami, Romain (aka DJ Rom One) qui va nous apprendre mes amis et moi à mixer. Super gentil, Rom 1 nous laisse deux platines qu’il n’utilise plus et quelques maxis. Mes deux meilleurs amis (till this day) et moi devenons DJs. Pierrot (le meilleur de nous trois) sera Fonky P, Alain deviendra DJ Strong Lino spécialisé dans le dancehall et moi DJ Big Seend le boulet qui veut mettre T.O.N.Y de Capone N Noreaga en soirée ! Et comme mes amis habitent au 48 rue du Titien nous serons la 48 Click ! Enfin, je peux dire que j’apporte ma petite contribution à cette culture.

TROISIEME CONTACT : l’ADOPTION.

Et le rap français dans tout ça ? J’en parlerai dans un autre post…. Dites-vous que même si j’ai découvert le rap « en français » , comme disait si justement Sulee B. Wax, après le rap US cela a eu un impact sur ma carrière et ma vie puisque je vis depuis plus de 20 ans à Paris.

Le Hip-Hop m’a ouvert l’esprit sur beaucoup de choses. D’abord évidemment sur la culture noire américaine. Parce que les Noirs américains ne sont pas tous joueurs de NBA, de NFL, rappeurs ou acteurs. Ils ont une histoire qui dépasse les figures de Martin Luther King, Malcom X et Rosa Parks. Il est de bon ton de critiquer l’aliénation et le manque de culture de certains Noirs américains. Que savons-nous de leur culture ? Ainsi, je me souviens m’être senti un peu morveux lors d’une interview avec le rappeur The Game. Je vous donne le contexte. Nous sommes à Paris dans les loges étroites de l’ Elysee Montmartre. Le rappeur de Compton vient de finir son show. Il est en sueur, fatigué et un peu tipsy parce qu’il a terminé une bouteille de vodka sur scène. Malgré tout, comme à son habitude, Game est volubile. Il était déjà fâché avec le G-Unit et durant l’entretien je lui demande son impression. « Je me sens comme Frederick Douglass » lâche-t-il hilare. Moment de solitude de votre serviteur.

Qui ?

Frederick Douglass ! insiste-t-il.

Ah…Désolé je ne le connais pas…

Tu ne connais pas Frederick Douglass ? Mon ami, tu dois te renseigner !

Moralité : on apprend de tout le monde, même d’un ancien gang banger de Compton devenu rappeur ! Pour info : Frederick Douglass est un ancien esclave devenu l’une des plus grandes voix abolitionnistes américaines du 19 ème siècle. Je reviendrai dans un autre post plus en détails sur les relations « troublées » entre Noirs Américains, Caribéens et Africains….

Grâce à mon travail chez Fmusik.com, RER, RAP MAG, Les Inrocks, Booska-P et depuis un moment chez BET la passion qui m’anime pour cette culture malgré les aléas de la vie ne s’est jamais éteinte. J’ai pu rencontrer les idoles de ma jeunesse (Chuck D, Nas, Pete Rock, Jay-Z, Snoop Dogg, Busta Rhymes et même l’immense Denzel Washington !) et échangé avec des centaines d’artistes.

Que ce soit à Bamako en compagnie d’ Oxmo Puccino et Al Peco, dans un billard du Queens avec Big Noyd, au Plaza Athénée avec Dame Dash et Biggs Burke, à Thiaroye au Sénégal avec Lady Sweety, dans les loges de la Machine du Moulin Rouge avec Mos Def et Little Simz, à Brooklyn avec Disiz, au Gabon avec Sean Paul, à Inglewod avec Damani, dans une allée de Crenshaw aux côtés de Nipsey Hussle ou au Pont de Sèvres chez L.I.M….Chacune de mes rencontres a nourri ma plume et mon esprit.

Je profite de ce jour pour remercier le Hip-Hop, d’avoir accompagné ma vie personnelle et professionnelle. Merci d’avoir lu jusqu’au bout, il y aura encore plus de détails dans mon biopic (si la grève à Hollywood s’arrête et que Idris Elba arrête de me harceler pour jouer mon rôle) et plus sérieusement dans mon livre.

3 réponses à « 50 ans de HIP-HOP et…moi. »

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    […] a balancé sur les réseaux tout le mal qu’il en pensait mais j’assume. J’avais en vinyl de son tout premier titre composé par Mehdi : Appelle Moi Rohff. Le sample de bossa nova, les […]

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  2. Avatar de La longévité dans le rap. The Clipse, l’exception qui confirme la règle ? – LE BLACK ET LA PLUME

    […] les Etats-Unis…) célébrait le cinquantenaire du Hip-Hop, j’ avais écrit sur cet anniversaire ICI. Né en 1973 dans le borough du Bronx , cette culture est composée de quatre piliers fondateurs […]

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  3. Avatar de Comprendre LA « GUERRE DES DIASPORAS » (Pt 1) – LE BLACK ET LA PLUME

    […] pour moi, un européen (et oui!) d’origine africaine, la diaspora noire américaine, avec son influence culturelle et politique, a été une véritable force d’inspiration. Je rappelle que cette émancipation […]

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