LE BLACK ET LA PLUME

La Culture Since Forêveur.

LE RAP FEMININ US (2005- 2019) pt 2

Et si on revenait sur la contribution des femmes dans le rap ? On ne m’a rien demandé, mais 50 ans du Hip Hop oblige, je vous propose quand même un récapitulatif de la présence féminine dans le rap US. Sit Back Relax.

x: LE RAP FEMININ US (2005- 2019) pt 2

Au milieu des années 2000, la dynamique FoxyKim s’essouffle. Les deux sont engluées dans des embrouilles (Lil Kim contre Junior Mafia, Foxy contre Kurupt…), des problèmes judiciaires (Kim ira en prison pendant un an) et même des problèmes de santé : Foxy Brown deviendra sourde de 2005 à 2006. Pour autant, leur « format » cad la « bad bitch délurée » est encore le standard pour les labels mainstreams américains. Le dernier hit de Foxy Oh Yeah sortira en 2001, quatre ans plus tard Kim sortira également son dernier tube Lighters Up. Au niveau des charts, la présence des femmes sera plus discrète. A partir de 2005 (la « Fifty mania ») puis l’impact de Kanye ne laisse pas beaucoup de places pour les autres et encore moins pour les femmes.

L’ARRIVEE ET LA DOMINATION DE NICKI MINAJ

Nicki a commencé à rapper en 2004. Sa carrière a certes démarré lorsque ses deux aînées perdaient leur momentum mais elle a utilisé les mêmes procédés. Textes crus (avec à ses débuts le même débit que Foxy) et parfois la même attitude aguicheuse dans les visuels.

La grande différence ? La rappeuse originaire de Jamaica Queens (le quartier de 50 Cent) est (très ? ou trop ?) ambitieuse. Lorsqu’elle sentira que sa carrière stagne à New York, elle déménagera à ATL pour être managé par Deb Antney, une OG (mère de Wacka Flocka) qui managait entre autres Gucci Mane et French Montana. 2009, elle rejoint Young Money le label de Lil Wayne et injecte ses petites touches personnelles au format « bad bitches ». Nicki crée un univers coloré, avec plus de second degré, moins « street » et propose une couleur pop assumée. Son premier album Pink Friday en 2010 sera parmi les 5 premières « first week » (375 k) de l’année. Nicki trône devant notamment Teflon Don de Rick Ross et les albums de son « patron » : Rebirth 176k et I Am Not An Human Being 125k. Nicki dès cet instant tue l’image de la « petite » de Lil Wayne ou de la simple artiste de YMCMB. Aujourd’hui et depuis un moment Nicki Minaj est sa propre entité. Elle a même sa communauté ‘les « Barbz » qui sur les réseaux sociaux partent en croisade pour elle. Attention, n’oublions pas l’essentiel : malgré ses photos, tenues et paroles parfois très trash, mademoiselle Onika Maraj rappe sérieusement. Un seul exemple : en 2010 lorsqu’elle se frotte à Kanye, Jay-Z et Rick Ross sur le titre Monster elle est loin d’être ridicule. Certains vont jusqu’à dire qu’elle a le meilleur couplet du morceau. Résultat ? Portée par son image forte, son crossover pop, son rap sérieux Nicki Minaj va régner seule sur le royaume décimé du rap féminin.

En 2012, son deuxième album Pink Friday: Roman Reloaded se classera de nouveau numéro un, PinkPrint son troisième opus se classera en deuxième position Jusqu’en 2017, le rap féminin aux États-Unis sera en transition et sous la domination de Miss Minaj. Entretemps de nombreuses jeunes rappeuses vont enfin s’affranchir du format « Lil Kim-Foxy-Nicki » de la décennie précédente et tout simplement s’affirmer. Ainsi, Snow Tha Product d’origine mexicaine est dans la performance, Iggy Azalea vient d’Australie et « s’essaye » , Syd Tha Kid, Angel Haze ou encore Young MA évoquent leur homosexualité sans tabous ! Musicalement aussi, elles explorent d’autres univers . Azealia Banks d’Harlem est dans un créneau « électro-rap », d’autres (comme la OG Jean Grae, Ill Camille de LA, Rapsody proche de 9th Wonder et NoName de Chicago…) explorent le boom bap et la Nu Soul des années 90. Cette variété ressemble presque à l’âge d’or du rap féminin de la fin des années 80, début 90… Sans les gros résultats au niveau des ventes et un réel impact.

CARDI B : LA BAD BITCH 2.0

Belcalis Almanzar alias Bacardi (oui, comme la marque de rhum) alias Cardi B a eu un impact indéniable dans le paysage du rap US. D’abord, comme ses aînées de la première génération (Roxanne Shanté, Queen Latifah, MC Lyte….) elle a débarqué sans le « parrainage » d’un homme. Cardi s’est fait connaître il y a presque dix ans (en 2014!) grâce à ses vidéos virales (regardez la compilation ICI) sur Vine et Instagram. A travers ses posts et ses lives elle nous plongeait dans son quotidien d’ex stripper avec une personnalité et une gouaille inimitable. L’année suivante grâce à cette popularité sur les réseaux Cardi a atterri dans l’émission de télé réalité Love & Hip-Hop où elle a évidemment crevé l’écran. Pendant deux ans elle sera la star de cette émission très populaire aux US. Durant cette période elle va sortir deux mixtapes qui auront un petit impact avant l’explosion de juin 2017 avec le single Bodak Yellow.

C’est LE son de tous les records. 11 millions de singles vendus et trois semaines numéro UN ! Cardi qui deux ans avant ne rappait pas, cela s’entend, en revanche a de l’attitude ! Sur ce single elle récite avec conviction les textes écrits par Pardison Fontaine et reprend à son compte la cadence de Kodak Black sur No Flokin. A partir de là, Cardi va enchaîner les gros coups. Tapis rouge (MTV Music Awards, Diamond Ball de Rihanna…), gros featurings (Finesse avec Bruno Mars, Girls Like You avec Maroon 5, Taki Taki avec DJ Snake…) passage au Saturday Night Live, Coachella, Met Gala et le graal aux US : une publicité au Super Bowl pour la marque Pepsi. Enfin en 2019, son « talent » est validé par l’industrie de la musique lorsqu’elle reçoit le Grammy du meilleur album de rap devant notamment Victory Lap de Nipsey Hussle. Un vrai blasphème mais l’industrie a décidé que Belcalis Almanzar est devenue une star et un modèle à suivre. Cela va entraîner l’explosion de rappeuses avec plus ou moins le même profil qu’elle : les « dolls ».

L ‘EXPLOSION DES « DOLLS »

Tabatha Robinson, alias DREAMDOLL, vient du Bronx. Elle a travaillé dans un strip club célèbre appelé Starlets. Elle s’est fait connaître grâce à ses réseaux sociaux et a participé à l’émission « Love & Hip-Hop ». Son parcours rappelle celui de quelqu’un, n’est-ce pas ? C’est une copie de Cardi. Cependant, depuis 2017, cela ne fonctionne pas. Dream a collaboré avec plusieurs artistes, tels que Lil Uzi Vert, Big Sean, NORE, Rick Ross, mais cela n’a rien donné.

ASIAN DOLL, qui depuis peu se fait appeler Asian Da Brat, n’a pas plus de succès que Dreamdoll. Signée par Gucci Mane en 2018, remerciée en 2020, copine du défunt King Von, la rappeuse originaire de Dallas rappe depuis 2015 ! Là aussi, ça ne dépasse pas son cercle de fans de la première heure.

CUBAN DOLL. Se plonger dans la carrière « musicale » de cette ancienne mannequin Instagram est une vraie torture. Rien n’est bon chez Cuban Doll ! Cela ne l’a pas empêché de signer en avril 2018 pour 1 million de dollars chez Capitol Records/Universal… pour être finalement licenciée deux ans plus tard. Ses accomplissements ? Elle aurait eu une liaison avec Offset, elle était la petite amie du rappeur médiocre Tadoe et enfin, elle a été accusée d’être impliquée dans le vol de la chaîne de Rocky Badd. Au. Secours.

KASH DOLL est finalement « la plus crédible » et talentueuse des « dolls ». Cette MC a plus de dix ans de carrière. Très vite, chez elle à Detroit elle obtient un buzz honorable. En 2016, Drake la contacte personnellement sur IG pour qu’elle soit en première partie de son concert.

Signée depuis 2018, Kash Doll a enchaîné les mixtapes, albums, EP et featurings avec des gros noms de l’industrie. Ce qui la distingue c’est sa toute jeune carrière d’actrice depuis 2021. Son rôle dans la série BMF lui permet de rentrer dans les foyers des gens et ainsi devenir mine de rien une des rappeuses les mieux assises dans cette industrie finalement peu stable.

MEG THEE STALLION : L’HEDONISTE TEXANE

« I got it from my Mama » ! Cette expression américaine est souvent attribuée aux attributs physiques. Ici, c’est la passion pour le rap qui vient de la mère de la jeune Megan Jovon Ruth Pete. Dans sa jeunesse « Mama Stallion » rappait même sous le nom de « Holly-Wood » ! Cependant, sa mère était stricte : la jeune Megan devait démarrer à 21 ans sa carrière de rappeuse. Pas avant. Megan va l’écouter. Lorsqu’elle s’inscrit à la Prairie View A&M University à 21 ans elle commence à publier des vidéos. Dès son premier street clip (qui reprend le classique des années 90 Pony de Ginuwine) le ton est donné.

En 2016 Meg commence aussi à sortir de la musique sur Soundcloud. 2018, Tina Snow le deuxième EP (et un de ses nombreux pseudos) la fait remarquer. Dans ce projet on retrouve ses premiers tubes comme “Big Ole Freak,”“Neva,” “Hot Girl,” et “Cognac Queen.” Avant sa signature sur 300 Entertainment (la structure gérée alors par le puissant Kevin Liles ancien boss de Def Jam) le rap de Meg va interpeller la légende Q-Tip. Dans un épisode du podcast My Expert Opinion de Math Hoffa (regardez ICI) , le leader d’A Tribe Called Quest revient sur leur rencontre en 2018. L’homme derrière entre autres Illmatic de Nas, The Infamous de Mobb Deep ou encore la carrière solo de Busta Rhymes avait présenté la jeune femme à différentes majors. Malgré ce parrainage de poids, ces labels vont passer leurs tours. Incroyable. L’année suivante ? La texane signe en septembre 2019 chez Roc Nation et devient une star ! Quel est la « recette » de Meg The Stallion ?

D’abord, Megan n’est pas une « bad bitch » dans la lignée des Lil’ Kim, Foxy ou même Nicki et même Cardi. Elle, lorsqu’elle parle de sexe ce n’est pas uniquement pour « satisfaire » les hommes. Megan raconte dans sa musique (avec des détails précis) toutes les choses qu’elle apprécie faire et surtout qu’elle aime qu’on lui fasse. C’est une grande différence. Voici trois exemples assez explicites qui n’ont pas besoin de traductions…

“Clap this a** on that d*ck, I’ma spazz on that d*ck / Go to sleep, take a nap, I’ma crash on that d*ck.” “Do It on the Tip”

“Deeper, deeper, I need a reaper / Thought I was in trouble how he tearin’ them cheeks up.” — “Crybaby” feat DaBaby

“Yeah, he call my Patty Cake ’cause the way that a** shake / I’ma make him eat me out while I’m watchin’ anime.” “Girls in the Hood”

Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Les rappeuses ont-elles le droit d’être vulgaires comme les hommes ? Est-ce une « avancée » pour les femmes ? La jeune femme ne se pose pas toutes ces questions et dans une interview donnée au magazine Marie Claire US elle constate simplement que « ce sont surtout les hommes qui ont un problème avec cela. » . Touché.

L’autre ingrédient de la « recette » est qu’elle n’est officiellement en guerre avec aucune autre rappeuse. Ainsi en 2019, elle a eu son tube de l’été, « Hot Girl Summer«  avec l’ inoxydable Nicki Minaj. Cette année-là, elle a même collaboré avec la « sensation » des réseaux Bhad Barbie dans une chanson au niveau correct. Puis, l’année suivante, Meg Thee Stallion a invité les City Girls dans son premier album et surtout a fait une apparition mémorable aux côtés de Cardi B sur le brûlant hit « WAP« , La chanson (le titre est un acronyme de « Wet Ass Pussy »…) a été largement saluée par les féministes pour son message affirmé et critiqué par d’autres pour les mêmes raisons d’ailleurs. A l’heure où ces lignes sont écrites le titre dépasse les 510 millions de vues sur Youtube. Enfin, toujours en 2020, la jeune texane a fait rapper Queen Bee Beyoncé sur son titre Savage.

C’est donc cela la recette de Meg Thee Stallion. Ajoutez à cela des mensurations qu’elle exhibe dans des tenues affriolantes, des twerks endiablés, une personnalité authentique et son indéniable talent ont capté l’attention du public et des médias. Cela fait de Megan aujourd’hui l’une des artistes les plus en vue de sa génération.

DANS LA PROCHAINE PARTIE NOUS PARLERONS DES CITY GIRLS, DE ICE SPICE ET DE SEXXY RED

4 réponses à « LE RAP FEMININ US (2005- 2019) pt 2 »

  1. Avatar de cpasdelacom
    cpasdelacom

    Je ne sais quoi dire …. #badBitch

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  2. Avatar de Kinois 001
    Kinois 001

    Comme d’habitude seend’ tu nous régale avec tes articles rempli de finesses.
    J’ai hâte de lire le prochain,
    Merci pour ton travail

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    1. Avatar de L'Aiguille

      Merci de le lire !

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  3. Avatar de CONFINEMENTMUSIC #10 – LE BLACK ET LA PLUME

    […] titre Trap Or Die, en 2005, Jatavia Shakara Johnson alias JT des City Girls n’avait que 13 ans. Presque 20 ans plus tard ce couple inédit propose un des gros sons de […]

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