
Le compte à rebours est lancé pour Sean ‘Diddy’ Combs. Actuellement à la fin d’un procès qui pourrait sceller son destin, l’icône déchue de la musique fait face, depuis le 5 mai, à des accusations terrifiantes : trafic à des fins d’exploitation sexuelle, extorsion, et proxénétisme. La menace de la prison à vie plane au-dessus de la tête de l’homme de 55 ans. Je ne vais pas partager avec vous les détails sordides de ses méfaits, en revanche même si on ne m’a rien demandé, je vais vous donner mon analyse .
UPDATE 2 JUILLET 2025
Diddy a échappé à la réclusion criminelle à perpétuité ! Il a été reconnu « non coupable » de trafic sexuel. Il risque tout de même jusqu’à 20 ans de prison et le juge a refusé sa demande de remise en liberté. Verdict ? Le 3 octobre.
UPDATE 3 octobre : Sean Combs, a été condamné à plus de quatre ans de prison par le tribunal pénal de Manhattan. Il risquait jusqu’à 20 ans.
- LE FILS DE MELVIN ET JANICE

Commençons par son père. Lui, était un vrai « bad boy ». Melvin Combs, un ancien militaire, s’était « reconverti » en dealer d’héroïne. Dans l’édifiant article de Mark Jacobson, The Return of Superfly, publié en 2000 dans le New York Magazine, on apprend que « Pretty Boy Melvin » n’était certes pas une figure de la pègre d’Harlem, mais un personnage bien identifié. Ainsi, Melvin était proche de l’équipe d’un certain Willie Abraham. Ce gros bonnet était déjà connu des services de police suite à une condamnation en 1963 pour trafic d’héroïne, comme l’indique un article du New York Times de 1973. Lorsque Melvin Combs est interpellé en 1971 avec sur lui de la drogue et 45 000 dollars en cash, coïncidence, quelques mois plus tard, le fameux Willie sera arrêté. Melvin était-il une « balance » ? On ne le saura jamais, mais le 26 janvier 1972, Melvin Combs meurt exécuté d’une balle dans la tête en plein New York. C’est généralement le traitement réservé aux « balances »… Son fils, Sean John Combs, à l’époque, n’a que trois ans.

Il n’y a pas autant d’informations et de détails sur la mère de Sean. On sait simplement que Janice Combs est une ancienne mannequin, devenue « responsable d’une agence de mannequins ». Je mets des guillemets car, excepté ses tenues très sobres lors du procès de son fils, il n’y a aucune trace de cette carrière sur le web.





En revanche, selon un « ami d’enfance » interrogé dans le documentaire Diddy: The Making of a Bad Boy, Janice Combs organisait des fêtes très « libérées » où « il y avait des toxicomanes, des proxénètes et des dealers ». Dans ce documentaire, « l’ami » poursuit : « Les gens qui participaient aux fêtes venaient de Harlem, de la rue. La nuit, on pouvait entrer par erreur dans l’une des chambres et trouver un couple à l’intérieur, les fesses à l’air. » Caramba ! Dans une interview accordée au magazine VIBE en 1999, Diddy prétend avoir perdu sa virginité à 12 ans avec une « cool chick ». « Cool chick » présentée par sa mère ?

Sean John Combs a clamé toute sa carrière qu’il « représentait » Harlem. Certes, il y est né en 1969, mais il a principalement grandi à Mount Vernon. Attention, Mount Vernon n’est pas une « terre de fragiles ». Cette ville proche du Bronx a donné au hip-hop des talents comme DMX, Pete Rock ou encore le légendaire et regretté Heavy D. Starrene Rhett, journaliste pour de nombreuses publications (comme VIBE, Complex, Teen Vogue, Vulture…), considère que « c’était bête de représenter Harlem ! Je sais qu’il l’a fait parce que c’est plus célèbre que Mount Vernon. » Bien sûr, Sean a beaucoup moins parlé de sa scolarité au sein de l’établissement privé et catholique Mount Saint Michael Academy : une école créée par des Frères Maristes. Cruelle ironie, plusieurs professeurs de cette école, depuis la fin des années 80 (puis en 2011, 2018 et 2020), ont été mis en cause dans des scandales sexuels impliquant des mineurs… Bref. Après l’équivalent de son bac, Sean passera deux ans dans la prestigieuse (et assez coûteuse) Howard University avant de se lancer dans le monde du entertainment.
Diddy est-il devenu un sociopathe et un prédateur sexuel parce qu’il a grandi sans son père et avec une mère aux mœurs « légères » ? Ce serait trop facile mais je pense que cela n’est pas anodin.
2. « TOUT LE MONDE SAVAIT » ?

Dès ses débuts, Sean s’est imposé comme une figure incontournable, ce que les Américains désignent par l’expression : « Him ». À seulement 21 ans, en 1990, il est déjà directeur artistique et producteur exécutif de l’album Father’s Day de Father MC, un rappeur alors signé chez Uptown Records et distribué par Universal. Il est donc indéniable que, tout au long de sa vie d’adulte, Sean Combs a exercé un pouvoir considérable. La question qui se pose aujourd’hui est double : a-t-il toujours eu des comportements répréhensibles et surtout, l’ampleur de ses agissements était-elle connue de tous ?

« Tout le monde savait » ? Qu’est-ce que cette phrase que l’on entend ad nauseum signifie vraiment ? Pour l’excellent journaliste Kris Ex (un témoin et acteur du hip-hop aux États-Unis depuis plus de 30 ans) dire « tout le monde savait » n’a pas beaucoup de sens. « On savait qu’il était « excessif », c’est sûr. D’ailleurs, c’était sa marque de fabrique : flamboyant, extravagant et débordant d’énergie. » Rappelons que le public se délectait (comme rappelé dans un article de CNN qui revient sur la télé réalité Making The Band) de ce comportement.


Danyel Smith, ancienne rédactrice en chef du prestigieux magazine Vibe à la fin des années 90, a elle-même été témoin des dérives de Diddy. Dans un article poignant paru en juillet 2024 dans le New York Times Magazine, elle raconte comment Sean l’avait menacée de la « mettre dans un coffre ». La raison de tant d’ « amabilités » ? Il exigeait de relire l’article avant sa publication. Dans ce même article, Danyel Smith reconnaît son propre aveuglement et confie : « Combs is a genius. He is also sincere in his ambition, and in his malevolence. In the entertainment industry, none of this makes him unusual. » Sidérant.
Sean n’était pas un bad boy mais (dans ce cas c’était connu de tous) était un colérique. Par exemple il s’en est pris à Steve Stoute, alors manager de Nas. L’altercation, rapportée à l’époque par le Los Angeles Times, a éclaté parce que le manager n’avait pas autorisé Sean à visionner les rushes du clip « Hate Me Now », dans lequel il apparaissait. Le verdict ? Sean Combs fut condamné à verser 500 000 dollars de dommages et intérêts à Stoute et à suivre une unique journée de « gestion de la colère ». Une véritable farce ! Fort avec les faibles, calme avec les forts, ses « sauts d’humeur » se poursuivront jusque dans les années 2010, notamment en club avec J. Cole et, selon une rumeur persistante, avec Drake.
Evidemment les nombreux artistes de son label seront témoins de ses excès. Le rappeur Ma$e (signé chez Bad Boy de 1996 à 2004) dans son talk show sportif It Is What It Is a ainsi évoqué à demi mot avec humour le caractère toxique des relations de travail. Seuls Shyne (condamné à 10 ans de prison suite à une fusillade en club en 1999) la chanteuse Aubrey O’Day de Danity Kane et l’obscur rappeur Mark Curry l’ont explicitement accusé d’être violent verbalement et physiquement. A part eux trois ? Silence radio.

Starrene Rhett plussoie. « J’ai entendu des histoires crédibles sur l’environnement de travail toxique que Diddy créait dans ses entreprises. La plupart des gens du métier l’ont probablement entendu. En effet Diddy était connu pour proférer des vraies menaces« . Kris Ex trace une limite. « Savions-nous qu’il avait des relations sexuelles non consenties ? Non. C’est pareil avec Russell Simmons. La plupart des gens que je connais (y compris moi-même) qui ont travaillé avec, pour ou à proximité de ces hommes sommes dégoûtés. » Traduction, oui toute l’industrie allait dans les fameuses « White party » aux Hamptons et non les « freaks offs » étaient pour les « initiés ». « Je pense que Diddy gardait ses soirées très privées » explique Starrene, et « ces soirées n’avaient pas vocation a être publiques ».
Soyons honnêtes : un homme de pouvoir, excessif, brillant, parfois malveillant, jusqu’il n’y a pas très longtemps (avant l’affaire Weinstein il y a huit ans) était considéré comme « acceptable » dans notre société. Dans la culture populaire ( « Gekko » du film Wall Street, Tony Soprano de la série éponyme , Patrick Bateman dans American Psycho, Tony Montana...) comme dans le monde des affaires être impitoyable, brutal, impoli provoquait l’admiration. Sean était tout cela avec en plus du talent, une crédibilité indéniable dans son milieu et une vraie influence.
3. SON « MEILLEUR AMI » JAY-Z ?

Dès le début des problèmes judiciaires de Sean John, le peuple souhaitait la chute de Jay-Z. « Il est le prochain », « il savait », « il est louche »… Pourquoi vouloir absolument que Shawn « Jay-Z » Carter soit impliqué ? Il n’était pourtant pas le seul « ami » de Diddy. L’immense Mary J. Blige appartient à son cercle proche depuis 1990 : elle faisait les chœurs dans l’album du fameux Father MC. Usher a pratiquement été formé chez lui au milieu des années 90. Lil’ Kim, Faith Evans, le groupe Total, The Lox, Carl Thomas, Black Rob, Shyne… Depuis 2010, les rappeurs French Montana, Meek Mill, Rick Ross étaient sous son management. Notez qu’AUCUN d’eux (à quelques rares exceptions près) n’a fait de déclarations ou de commentaires sur l’arrestation et les méfaits de leur ancien patron. Du regretté Nipsey Hussle au roi de l’afro beat Burna Boy (en 2020, il a supervisé son album Twice As Tall), il était partout. Oui, en plus de 30 ans de carrière, une multitude d’artistes ont travaillé pour son label ou gravité autour de lui. On ne parle même pas des compositeurs, des auteurs, des chorégraphes, etc….
Au pays du dollar, quelqu’un devait sauter le pas. Maitre Tony Buzbee par l’odeur du dollar alléché a lancé les hostilités début décembre 2024. Selon la plainte, en l’an 2000, alors que la plaignante était âgée de 13 ans , Sean et Shawn l’auraient violée à tour de rôle lors d’une soirée organisée après les MTV Video Music Awards. Elle a affirmé avoir été droguée et qu’une célébrité (une femme) dont le nom n’était pas divulgué avait assisté au viol. Après le crime, elle se serait enfuie de la maison où se déroulait la fête et a trouvé une station-service où son père est venu la chercher. A vomir. Jay-Z, apparemment sûr de son fait, va répondre directement avec un communiqué écrit à la première personne à la hauteur de ses meilleurs seize mesures.

Deux semaines après, plusieurs incohérences dans le témoignage de la plaignante vont être révélées par la chaîne NBC. Des incohérences (elle prétendait avoir croisé des personnes aux MTV Awards qui à l’époque étaient en tournée) que la femme originaire d’Alabama a qualifiées d’ « erreurs de sa part »… Tout en maintenant ses accusations. Presque deux mois après, le 14 février, la plainte était retirée. Rédigé par les avocats de la plaignante, dont le nom n’a pas été révélé, le document affirme simplement que la plainte au civil, déposée en décembre, a été « volontairement » abandonnée par cette dernière de façon permanente.
Jay-Z, revanchard n’en est pas resté là et à décidé de contre attaquer et poursuivre l’avocat véreux pour laver son honneur. Tout cela n’a pas empêché les fameux « il n’y a pas de fumée sans feu », Reste la question à un million de roubles : pourquoi vouloir absolument impliquer Jay-Z ? Sans preuves tangibles, sans « mobile » raisonnable…. C’est la notion que Freud a nommé la « schadenfreude » : la joie mauvaise à l’idée du malheur d’autrui. Les gens se réjouissent des scandales impliquant des célébrités, car cela les rapproche d’elles en montrant qu’elles ne sont pas parfaites.
4. CASSIE ?

La première fois que j’ai entendu parler de Cassie c’est en 2006 par l’intermédiaire de son premier producteur (et compagnon ?) Ryan Leslie. J’ai déjà raconté cela ICI. Cassandra Ventura est le fruit de la rencontre entre un père philippin et une mère caraïbéenne. Grande, fine avec un joli minois Cassie poursuivra très tôt (dès 14 ans) une carrière de mannequin honorable.
En revanche sa carrière de chanteuse (regardez son live ICI…) sera dés le début « challenging » comme on dit en mauvais français. Pas de voix, pas de vibe au pays de la performance vocale encore plus au début des années 2000 c’est compliqué. Mais « looks sells » : elle est signée très jeune par Ryan Leslie (16 ou 18 ans?) sur son label Next Selection puis va rapidement tombée dans les griffes de Sean Combs.
En onze ans de relation avec Sean , elle ne va sortir qu’un seul album et maximum vingt chansons. Ajoutez à cela trois films et deux apparitions dans la série Empire. A la lumière de ce que l’on sait aujourd’hui on comprend que c’était très difficile pour la jeune femme d’être productive.
Si sa carrière artistique ne laissera pas une marque indélébile dans la musique, son principal accomplissement est d’être la petite « David » qui a terrassé l’immense Goliath. Elle a vécu l’enfer de 2007 à 2018 et sept ans plus tard justice devrait lui être rendue. Je ne veux pas revenir ici sur tout les sévices qu’elle a subi, décrits durant le procès. Les détails des fameux « freak offs », les interviews hallucinantes des escorts (regardez ici) mettent terriblement mal à l’aise. La vidéo publiée par CNN le 7 octobre 2024 où l’on voit Diddy la rosser est suffisante pour moi. Si vous aviez encore un doute : Cassie Ventura est la victime et la « gagnante » de ce procès.
5. DIDDY OU LE MIROIR DE NOTRE « SOCIETY » ?

Les excès de monsieur Combs ne sont malheureusement pas des cas isolés dans l’univers de la musique noire aux Etats-Unis. Voici une petite liste de l’horreur même pas exhaustive. Dans les années 50, Louis McKay a abusé physiquement et financièrement de la grande Billie Holiday. Ike Turner ? Il abusait physiquement et émotionnellement de Tina Turner. Donna Summer la reine de la disco ? Abusée par son petit ami Peter Mühldorfer. Plus prés de nous, Dr. Dre battait la chanteuse Michel’le. Plus d’une douzaine de femmes ont accusé Russell Simmons le co-fondateur du label Def Jam d’agression sexuelle, et dans certains cas de viol. Enfin, je suis déjà revenu ICI en détails sur les « exploits » de Robert Kelly…





Ce genre de comportement n’existe pas que dans le monde de la musique. Weinstein « représente » pour le cinéma, Jeff Epstein dans le monde de la finance, dans la politique en France, le sénateur Joël Guerriau est accusé d’avoir drogué sa collègue députée Sandrine Josso fin 2023… je ne pense pas me tromper en écrivant qu’aucun corps de métier n’est à l’abris. Pour Kris Ex « déclarer ‘nous le savions tous’ revient à peindre l’industrie musicale comme un système égalitaire, par opposition à la hiérarchie pyramidale qui régit presque tout le monde sous le patriarcat capitaliste suprémaciste blanc. » Prenons l’exemple du milliardaire Elon Musk. Vous savez, l’ancien meilleur ami de Donald, qui fait des saluts nazis lorsqu’il est « enthousiaste ». « Bien sûr, il y a des indices qui montrent qu’il est mesquin » explique le journaliste Kris Ex « et qu’il utilise son pouvoir pour maintenir son contrôle. De même, nous pouvons supposer (et constater) que nombre de ses relations personnelles sont chaotiques. Mais que savons-nous réellement ? Pas grand-chose. Les ultra-riches s’isolent derrière leur argent, leur pouvoir et une armée de gardiens, de complices et de subordonnés réduits au silence. » Selon lui, cela vaut aussi pour Sean Combs. « Je pense que l’attention intense portée sur Diddy cherche à en faire une affaire liée à son caractère (ce qui est certainement le cas), tout en ignorant les dispositifs et les manigances que les personnes les plus influentes de ce monde utilisent pour dissimuler leurs actions. »
Après avoir fini de se délecter des excès des uns puis de fantasmer sur les soi-disant « pactes signés » des autres si nous prenions le temps de réfléchir ? Au delà du style de vie de Sean Combs (gay refoulé, toxicomane, colérique, control freak…) le plus surprenant reste qu’il évoluait en toute impunité. J’ai l’impression qu’il ne s’est jamais remis en questions. Certains commentateurs ont comparé son modus operandi à celui d’un chef d’organisation criminelle. Cela renvoie aux personnages de fictions (cités plus haut dans le point 2) qui ne sont finalement que des « sociopathes romancés. » Moi, cela me fait plutôt penser à la sordide affaire DSK. Un homme de pouvoir brillant, qui menait une vie « dissolue » sans limites et achetait tout (le sexe consenti et le silence des témoins) avec de l’argent. Je n’ai pas l’intention de vous faire pleurer sur le sort de Sean John Combs (ce serait très compliqué) mais j’ai presque de la peine pour lui.
Quelle déchéance ! Aujourd’hui ce multimillionnaire (400 millions de dollars selon le magazine Forbes) dépense une fortune pour les honoraires de son équipe de 9 avocats. Son travail, plus de trois décennies de tubes est maintenant écouté avec embarras. Lui, l’ancien « ami » des stars est devenu le pestiféré dont on cite le nom en se pinçant le nez avec un sourire gêné. Ce père de sept enfants, a probablement traumatisé à vie ceux-ci. Enfin, la vie de Sean John Combs un homme qui depuis ses 20 ans évolue dans une bulle de privilèges aujourd’hui va prendre un virage irréversible qui fera irrémédiablement de lui… un « Bad Boy ».

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